Kinomichi, pour la beauté du geste
La première rencontre a eu lieu à l'étang de Saint-Ouen. Sous les yeux médusés des passants, quatre personnes, armés de bâtons et de sabres en bois, exécutaient des mouvements d'arts martiaux avec une grâce surprenante et leur évolution ressemblait plus à un ballet qu'à un simple combat. « Avec les règles sanitaires actuelles, il est très difficile de travailler correctement dans un dojo, explique Anne de Beer. Nous avons donc décidé d'évoluer en extérieur, ce qui nous permet en outre d'aller à la rencontre des autres. »
La seconde entrevue s'est passée dans le jardin de sa maison, à Beauchêne, où avec Gérard Blanc, elle s'est montrée intarissable sur un art martial peu connu : le kinomichi.
« Le kinomichi, c'est en réalité un anti-art martial, dérivé de l'aïkido et créé par Maître Masamichi Noro dans les années 70, explique-t-elle. Maître Noro est arrivé en France au début des années 60 et a ouvert de nombreux dojos pour enseigner l'aïkido à travers l'Europe. Mais suite à un accident de voiture, il s'est vu contraint de faire évoluer son art, en le confrontant également à la rencontre de la gym occidentale. »
« Il est en effet impossible d'espérer faire travailler un Occidental de la même façon qu'un Japonais, ajoute Gérard Blanc. Le kinomichi, c'est l'art de l'énergie par le mouvement. Et surtout dans le respect de chacun. Ainsi, nous n'avons pas d'adversaire en face de nous, mais des partenaires sans lesquels rien ne serait possible. C'est grâce à l'excellence du partenaire que l'on fait un excellent mouvement. »
De par la concentration nécessaire pour sa pratique, le kinomichi peut sans doute être considéré comme un cousin du zen qu'enseignait en France à la même époque Maître Taisen Deshimaru. D'ailleurs ce dernier avait invité Maître Noro et ses élèves pour un échange fraternel. Et Anne de Beer de conclure : « C'est vrai qu'au cours des séances, le petit vélo que nous avons dans la tête cesse de nous perturber. Beaucoup d'élèves parfois mal dans leur peau trouvent la paix durant les séances, et au fil des années, nous finissons par acquérir une perception des choses bien différente de celle que nous avions auparavant. »
Pascal Blondiaux, pour la Nouvelle République